Deux experts de l'université McMaster réimaginent la manière dont les lieux de travail canadiens peuvent mieux accueillir et accommoder les travailleurs handicapés grâce à un financement fédéral de 9 millions de dollars annoncé cette semaine.
Emile Tompa, du département d'économie, et Rebecca Gewurtz, de l'école des sciences de la réadaptation (SRS), unissent leurs forces pour étudier la manière dont les lieux de travail peuvent être réaménagés pour inclure les personnes handicapées, y compris les aspects sociaux de l'emploi, tels que le recrutement et l'avancement. Leur initiative s'intitule Inclusive Design for Employment Access (IDEA).
Les chercheurs reçoivent un financement pour leur initiative de six ans dans le cadre du Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche (FNFR), annoncé le 12 janvier par le ministre fédéral de l'innovation, de la science et de l'industrie, François-Philippe Champagne.
Tompa et Gewurtz adoptent une approche novatrice. Plutôt que de se concentrer sur le développement des compétences des personnes handicapées, leur laboratoire d'innovation sociale se concentrera sur le renforcement de la capacité des employeurs à créer des lieux de travail plus inclusifs et accessibles, et sur le renforcement de la confiance des employeurs afin qu'ils puissent répondre aux besoins de candidats diversifiés et talentueux.
"Nous avons passé des décennies à former des personnes handicapées et à améliorer les possibilités d'emploi en nous concentrant sur l'individu, mais ce qui me motive vraiment, c'est de créer des lieux de travail véritablement inclusifs pour les personnes de toutes capacités et de rendre les lieux de travail canadiens plus compétitifs", a déclaré M. Gewurtz, professeur agrégé au SRS.
"Cela créera de meilleures opportunités pour un plus grand nombre de personnes et tout le monde y gagnera. Lors du recrutement, nous voulons que les employeurs aient le sentiment que le handicap d'un candidat n'est pas un problème, car cette personne est tout simplement le meilleur candidat pour le poste".
"Nous n'essayons pas de réinventer la roue", a déclaré M. Tompa, chercheur principal à l'Institut pour le travail et la santé et professeur associé au département d'économie.
"Nous voulons que les employeurs dépassent leurs appréhensions, telles que les préoccupations liées aux exigences de la législation gouvernementale ou les craintes quant à ce qu'il convient de faire si un employé potentiel handicapé ne donne pas satisfaction. Tout cela fait partie de la stigmatisation que nous essayons de combattre".
Tompa et Gewurtz ont tous deux déclaré que les lieux de travail innovants prennent en compte la flexibilité dans la manière, le lieu et le moment où les gens travaillent - horaires flexibles, possibilité de travailler à distance, différentes manières de communiquer et de se connecter avec les collègues - ainsi que les modifications apportées à l'environnement de travail. Les employeurs ont également besoin de politiques de ressources humaines solides pour accueillir les personnes handicapées.
Tompa et Gewurtz ont expliqué que leur laboratoire d'innovation sociale comprend trois pôles principaux et deux pôles incubateurs transversaux constitués de groupes de chercheurs et de partenaires communautaires. Les trois pôles principaux sont les systèmes et les partenariats sur le lieu de travail, les systèmes d'aide à l'emploi et les transitions vers le travail et le développement de carrière. Les deux pôles transversaux sont l'environnement et le design inclusifs, et les technologies de rupture et l'avenir du travail. Tous les pôles bénéficient de la participation conjointe de chercheurs et de partenaires communautaires.
Les équipes des centres d'excellence co-concevront et piloteront des solutions pour le lieu de travail qui seront utilisées sur le terrain, ajustées et étendues à l'ensemble du Canada, le cas échéant. Le laboratoire IDEA se concentrera sur des activités telles que l'élaboration d'orientations et de ressources pour la planification de l'accessibilité du lieu de travail et l'établissement de rapports, pour l'accompagnement professionnel et le soutien global, et pour une transition en douceur des nouveaux arrivants sur le marché du travail pendant la période de transition entre l'école et le travail.
M. Tompa a déclaré qu'il serait bénéfique pour la société que les employeurs acquièrent les compétences nécessaires pour s'adapter aux besoins des travailleurs handicapés. Des lieux de travail plus inclusifs contribueront à remédier à la pénurie de main-d'œuvre qui sévit au Canada et à réduire la pauvreté, la dépendance et la marginalisation des personnes handicapées.
M. Tompa a déclaré que de nombreuses personnes handicapées vivent actuellement dans la pauvreté et dépendent de l'aide sociale, et que beaucoup d'entre elles souffrent d'un manque de logement et d'un emploi stable, ce qui fait d'elles des "citoyens de seconde zone". Pourtant, nombre d'entre elles souhaitent travailler, possèdent des compétences précieuses et pourraient apporter une contribution importante au marché du travail.
L'intersectionnalité est une autre considération essentielle pour les chercheurs et les partenaires communautaires, car Mme Tompa a déclaré que les personnes handicapées sont diverses, ajoutant que des facteurs tels que le sexe, l'orientation sexuelle et le statut de minorité raciale peuvent également contribuer à leur marginalisation actuelle.
Mais renforcer la capacité des employeurs à embaucher des personnes handicapées n'est pas seulement la bonne chose à faire, dit-il. Il s'agit plutôt d'une solution gagnante pour les entreprises et pour l'économie canadienne.
"Si nous incluons les personnes handicapées sur le marché du travail, et si nous leur accordons les mêmes taux d'engagement et de rémunération qu'aux autres, le Canada augmenterait son PIB de 3,2 %, selon les chiffres de 2017", a déclaré M. Tompa.
Karen Mossman, vice-présidente de la recherche de McMaster, a félicité à la fois le gouvernement fédéral pour son investissement dans cette initiative et l'équipe de McMaster à l'origine de ce projet interdisciplinaire.
"Les docteurs Tompa et Gewurtz ont identifié une lacune critique dans notre société et leur travail a la capacité d'avoir un impact sur la vie des Canadiens handicapés et sur l'économie en général", a-t-elle déclaré.
"Le travail de l'équipe est essentiel pour créer des environnements de travail plus inclusifs et accessibles qui garantiront la compétitivité du Canada et entraîneront des changements nécessaires et durables tant pour les employés que pour les employeurs.
Le FNRF fédéral a été lancé pour la première fois fin 2018 afin de soutenir la recherche canadienne interdisciplinaire, à haut risque et à haute récompense et transformatrice. Tompa et Gewurtz font partie de la première cohorte de chercheurs à recevoir un financement du NFRF.
Ils sont l'un des sept pays à bénéficier d'un financement du NFRF d'un montant total de 144 millions de dollars pour la période 2021-2027, avec effet immédiat.
Les six autres projets soutenus par la NFRF comprennent des recherches sur les greffes d'organes de nouvelle génération, la réparation de la moelle épinière, la réutilisation des sous-produits marins, le traçage de la biodiversité, la bioconservation en vue d'améliorer la santé et le bien-être des populations autochtones et la protection des surfaces métalliques.